Le figaro 30/01/11
Les gaz de schiste déchaînent les passions

En dépit des projets qui sont sur la table, l’exploration en France ne devrait pas démarrer avant plusieurs années. Mais, d’ores et déjà, les écologistes stigmatisent une menace sur l’environnement. 
Il y a encore quelques ­semaines, le gaz de schiste était un sujet de spécialiste de l’énergie. Mais depuis que José Bové s’est emparé du sujet, les shale gas , ­selon le terme anglais dont abusent les professionnels, sont brusquement devenus un enjeu de débat national. Une menace venue d’outre-Atlantique à bannir coûte que coûte de l’Hexagone pour les écologistes; un eldorado susceptible de réduire la dépendance énergétique de la France, pour Total ou GDF Suez.
Le gaz de schiste est du gaz naturel -du méthane- ordinaire. Mais, au lieu de reposer en grandes quantités dans des poches souterraines, il est niché dans les microfissures de couches de schistes, souvent à plus de 1000 mètres de profondeur. Les progrès récents des techniques de forage avec fracturation l’ont rendu exploitable et ont provoqué une authentique révolution énergétique aux États-Unis en l’espace de deux ans.
Plusieurs cas de pollution
Si la production de gaz de schiste reste aujourd’hui circonscrite aux États-Unis, le ministère de l’Écologie a accordé en mars dernier trois permis à Total et à la ­société de Dallas Schuepbach, avec qui GDF Suez est en discussion, pour participer à l’exploration à hauteur de 20%. Dix autres permis sont en cours d’instruction en France. Alors que les géologues de Total en sont encore à analyser des carottes de roche extraites il y a quarante ans, les appels à protéger l’Ardèche, le Larzac ou les Cévennes contre l’invasion des derricks se multiplient. Interpellée dans l’Hémicycle la semaine dernière, la ministre de l’Écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, a tenté de rassurer: «Pas question» de suivre l’exemple des États-Unis, où «des techniques dangereuses pour l’environnement» ont été employées.
Le fait est que l’extraction de méthane piégé nécessite d’injecter de très grandes quantités d’eau pour fracturer la roche et qu’au Texas, en particulier, les associations environnementales ont dénoncé plusieurs cas de pollution. En outre, malgré des forages coudés qui parcourent environ 1,5 km à l’horizontale, il faut une densité de puits assez importante, un tous les 3 kilomètres environ, pour tirer parti d’un gisement. Une fois un puits foré, le derrick est démonté et il ne reste en surface plus qu’un «sapin de Noël», haut de 2 ou 3 mètres, mais il faut des canalisations pour évacuer le gaz.
À en croire un document interne de Total cité par Les Échos, les ­gisements du sud de la France renfermeraient 2380 milliards de mètres cubes de gaz, soit cinquante ans de consommation natio­nale! Une estimation encore toute théorique, relativise le géant pétrolier.
Sur le permis de Montélimar de 4327 km2 accordé pour cinq ans, «nous allons commencer par une étude de géosciences de deux ans, expliquait récemment Martin Deffontaines, du groupe Total. Puis nous ferons des études de faisabilité technique avec un à trois forages verticaux. Il n’y aura pas de shale en France avant trois ans. Plutôt pas avant dix ans, même.» Et ce responsable de l’exploration-production de conclure: «Notre activité n’est durable que si elle est acceptable. C’est un vrai défi, ce sera compliqué.»
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De Monicault, Frédéric